Dhuoda, le retour: Dhuoda la Carolingienne de Jocelyne Godard

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SCIENCES, LIVRES

11/14/20254 min read

Un roman historique, se déroulant à l’époque carolingienne, c’est rare…

Dans lequel, le héros ne croise aucun viking, c’est encore plus rare…

Et ne rencontre pas Charlemagne… ce n’est peut-être pas unique… mais ce n’en est pas loin.

De plus, ce livre est consacré à un des rares personnages pacifiques du IXème siècle, une héroïne qui ne pense pas systématiquement à s’emparer des terres de son voisin, à asservir un territoire par la guerre ou la conversion forcée, ou à obtenir un quelconque titre nobiliaire ou ecclésiastique : Dhuoda.

L’autrice, Jocelyne Godard, a écrit plusieurs ouvrages historiques sur des grandes figures féminines du passé et vous trouverez ici sa longue bibliographie.

L’héroïne de l’histoire, Dhuoda, est une figure très mal connue de l’époque carolingienne et Jocelyne Godard a pris le parti de ne pas lui inventer une vie en préférant s’appuyer sur des faits historiques. L’intrigue suit donc les nombreux rebondissements du règne du deuxième Empereur Carolingien et successeur de Charlemagne, Louis Ier-le-Pieux (814-840) et la guerre civile qui suivit sa mort et aboutit au traité de Verdun en 843.

Les nombreux événements de cette période nous sont relativement bien connus, puisque la vie du fils de Charlemagne a eu droit à un traitement littéraire unique au IXème siècle : elle a été rapportée par trois biographes différents, complétée par l’œuvre de Nithard (Histoire des fils de Louis-le-Pieux) et par des chroniques contemporaines très fiables (Annales de Saint Bertin et de Fulda notamment).

Livre, Dhuoda, carolingien
Livre, Dhuoda, carolingien

Le roman baigne dans cette époque troublée : les invasions vikings ne sont pas encore au cœur du monde carolingien. Cependant la féodalité commence à s’installer, et surtout les querelles et les ambitions familiales et aristocratiques, vont conduire à de multiples conflits, à des emprisonnements, et finalement à deux dépositions de l’Empereur par ses fils ainés, suivies d’une guerre entre héritiers.

En dehors de Dhuoda et du roi Louis-le-Pieux, plusieurs personnages historiques sont au cœur de l’intrigue : l’ambitieuse Judith de Bavière, la deuxième femme de Louis-le-Pieux, qui ne pense qu’à constituer un royaume pour son jeune fils, le futur Charles-le-Chauve, au détriment des héritages territoriaux déjà décidés, le tourmenté Lothaire, le fils ainé du roi, qui bien évidemment s‘oppose aux visées de sa belle-mère et n’hésite pas à renverser son père pour s’emparer du pouvoir, Bernard de Septimanie, le flamboyant… ou l’arriviste, selon les points de vue, le mari de Dhuoda, qui connaitra une ascension irrésistible, suivie d’une fin tragique.

L’ensemble du roman est très agréable à lire et on suit Dhuoda d’Aix-la-Chapelle, la capitale de l’Empire, à Uzès, en passant par l’Abbaye Saint-Martin de Tours ou Ravenne, en Italie.

Charles le Chauve, carolingien
Charles le Chauve, carolingien

Charles-le-Chauve

carolingien, dhuoda
carolingien, dhuoda

Cependant, je trouve que l’histoire souffre d’un défaut important car il est difficile de répondre à trois questions simples : qui est le héros ? Quelle est l’intrigue ? Qui est l’adversaire du héros?

A priori, le personnage principal est Dhuoda. Le lecteur suit la jeune fille depuis son enfance à la cour de l’Empereur jusqu’à son fief de Septimanie après son mariage. Mais c’est une héroïne plutôt fade qui ressemble davantage à une spectatrice subissant les événements: elle se marie à la demande du roi, suit son mari à Uzès, accepte la séparation avec son fils ainé Guillaume etc.

Elle vit dans le palais impérial, elle étudie, elle voyage, elle se fait des amis, elle fait ses emplettes sur le marché aux esclaves de Ravenne (où elle déniche un très bel eunuque à un excellent prix), elle se marie, elle gère ses terres, elle écrit un livre…

L’Ecume des Jours Carolingienne, en somme…

Bien évidemment, en présentant si peu d’aspérités, elle n’a pas vraiment d’adversaire. Et même s’il faut se méfier des adages définitifs et péremptoires, Hitchcock rappelait justement que « plus réussi est le méchant, plus réussi sera le film », ou le roman en l’occurrence.

La place de la femme dans cette société carolingienne et le manque d'éléments biographiques ne facilitent certainement pas le travail de la romancière pour donner de l’autonomie et des initiatives à son héroïne, mais la présence charismatique d’une autre figure féminine, Judith de Bavière, rappelle que ce n’est pas impossible.

Dhuoda

Le héros de l’histoire semble souvent être son époux : l’ambitieux Bernard de Septimanie dont on suit l’ascension jusqu’à la plus haute marche du pouvoir, puis la déchéance, conclue par son exécution par Charles-le-Chauve. Ces motivations sont claires, son rôle dans l’intrigue est central: il serait l’amant de l’Impératrice Judith, il est l’ennemi mortel de Lothaire, l’héritier, il parvientà s’imposer comme l’homme de confiance de l’Empereur. Son ambition se heurte alors à celles de ses adversaires, ou alliés de circonstance, et le roman se termine par sa mort.

L’autrice semble osciller entre ces deux personnages : la passivité de Dhuoda face à l’hyperactivité de son époux, de longs passages sans véritable trame face aux péripéties tragiques ou glorieuses de Bernard, parfois expédiés en quelques pages; entre ses deux héros, un équilibre difficile à trouver, qui nuit, me semble-t-il, à l’intrigue.

Au milieu des lettrés de cette société en pleine renaissance, et des héritiers et autres féodaux avides de pouvoir, l’histoire aurait pu être passionnante. Elle reste intéressante et originale et a le mérite de faire revivre un monde et une époque oubliés.

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Aquitaine, Carolingien
Aquitaine, Carolingien

Bernard Plantevelue, fils de Dhuoda.