Si l’Histoire ne s’enseignait pas de manière chronologique mais, comme les mathématiques, selon le niveau de difficulté, les élèves apprendraient l’histoire des premiers Capétiens en 6ème et celles des Carolingiens en terminale.

Hugues Capet fut couronné en 987, puis son fils Robert II lui succéda en 996. Il régna 35 ans puis son fils Henri devint roi pendant 39 ans, suivi par Philippe I, qui resta sur le trône 48 années jusqu’à sa mort en 1108 (déjà plus d’un siècle de passé…).

Son fils Louis VI régna 29 ans, puis son petit-fils Louis VII 43 ans, puis son arrière-petit-fils Philippe Auguste lui aussi 43 ans et nous voici déjà en 1223.

Fastoche ! Six rois en 227 ans. Presque 40 années de règne en moyenne par roi.

Chez les carolingiens, c’est une autre histoire. Pour rester sur le nombre six, de 879 à 888, par exemple, six rois, issus de trois familles, se succédèrent en 9 ans. Sans parler des rois autoproclamés et autres prétendants, qu’on peut également chiffrer à six.

Dans le même temps, les différents royaumes Carolingiens se séparaient, se combattaient, se réunifiaient, puis se re-séparaient, puis se re-combataient … et ainsi de suite.

De la féodalité et des usurpateurs comme ingrédients supplémentaires, des envahisseurs païens, vikings, hongrois ou sarrasins, pour donner un peu de consistance, le Pape, l’Eglise et l’Empereur Grec d’Orient pour relever l'ensemble et vous obtenez un machin impossible à digérer pour le commun des mortels (mais formidable pour un scénariste).

Et pour couronner le tout : des personnages historiques qui ont tous le même nom.

Les prénoms Carolingiens… ou comment rendre incompréhensible ce qui est déjà compliqué.

Louis II (le jeune), fils de Lothaire et frère de Lothaire et Charles.

Prenons l’arbre généalogique carolingien ci-contre.

On constate que Louis (le pieux), fils de Charles (qui régna un temps avec son frère Carloman, ne l’oublions pas) avait trois frères : Charles, Carloman et Lothaire. Mais il fut le seul à succéder à Charles, et lui-même eut 3 héritiers, Lothaire, Louis et Charles, et bien évidemment plusieurs petits-fils, Louis, Lothaire et Charles issus de Lothaire, Carloman, Louis et Charles issus de Louis, et Louis, Charles, Carloman et Lothaire issus de Charles.

Tout le monde suit ?

Mais intéressons-nous de plus près à ce Louis, fils de Charles, et père des carolingiens de Francie. Ses 3 fils, Louis, Carloman et Charles, occupèrent successivement le trône, suivis par leurs descendants: Louis, fils de Charles, puis Lothaire et enfin Louis. Louis, le dernier Carolingien, car son oncle Charles, fils de Louis et frère de Lothaire, ne réussit pas à accéder au trône.

Voilà, Voilà…

Maintenant, mettons-nous un instant à la place de l’amateur néophyte, bien décidé à s’intéresser aux Carolingiens, et qui, par exemple, lit cette simple phrase:

« C’est alors que Louis rencontra Carloman pour lui proposer une alliance avec Charles ».

Que se passe-t-il dans la tête du malheureux lecteur ?

C’est alors que Louis (Tiens !... J’croyais qu’il était mort celui-là… au chapitre précédent, non ?… A moins qu’il ne s’agisse de l’autre…là… celui de Germanie… Ah oui ! C’est ça !… Bon j’reprends) ... C’est alors que Louis rencontra Carloman (Ben... Et lui…qu’est-ce qu’il fait là ?... J’croyais qu’il était parti à l’autre bout de l’Empire combattre je sais plus qui… les Normands, je crois… J’comprends rien… Allez… on verra plus tard… j’vais pas tout relire… j’en étais où ?...)… rencontra Carloman pour lui proposer une alliance avec Charles (Charles… Charles… c’est le troisième que j’vois passer depuis tout à l’heure… j’commence à être paumé… Logiquement, ça doit être le cousin… mais ils étaient déjà alliés, non ?… ou alors c’est le neveu…).

Courage, ami lecteur, et bienvenue chez les Carolingiens !

Charles (le Chauve), fils de Louis, frère de Lothaire et de Louis, père de Louis, Charles, Carloman et Lothaire.

Alors, comment s’y retrouver un minimum ?

Pour éclaircir leur propos, les chroniqueurs de l’époque carolingienne ajoutaient souvent le nom du père. Par exemple, si Louis III et Louis-de-Saxe négociaient, des phrases limpides pouvaient surgir comme : « Louis, fils de Louis, rencontra Louis, fils de Louis ».

Ca aide un peu mais ça reste quand même assez obscur.

Les historiens ont bien conscience de cette difficulté, qui ne peut que rebuter le lecteur. Ainsi Yvan Gobry , qui a écrit plusieurs biographies de rois Carolingiens, commence son ouvrage consacré à Louis-le-Bègue par un chapitre intitulé « les homonymes », où l’on croise, et l’on différencie, les Louis II de l’époque (seulement les Louis II et pas les Louis en général...). L’auteur ajoute de courtes notices biographiques en fin d’ouvrage afin d’aider à situer rapidement les 5 Carloman, 6 Charles, 5 Lothaire et 8 Louis, rencontrés au fil des pages (rappelons que le règne de Louis-le-Bègue ne dura que quelques mois…).

Mais les souverains ont surtout reçu des surnoms permettant de les distinguer. Ces surnoms sont souvent anachroniques et Louis-le-Germanique s’est ainsi vu octroyer ce titre au XVIIIème siècle, longtemps après sa mort. Mais ils sont le moyen le plus efficace de s’y retrouver dans une période déjà suffisamment compliquée.

Ainsi, dans la longue tirade ci-dessus, les Charles évoqués sont dans l’ordre: Charlemagne, Charles-le-Jeune, Charles-le-Chauve, Charles de Provence, Charles-le-Gros (affectueusement appelé Charles-le-Gras pendant des siècles), Charles-l’Enfant, Charles-le-Simple et Charles-de-Basse-Lorraine…

Si je ne me suis pas trompé…

Exercice pour la prochaine fois, sur un cahier propre : faire le même travail avec les Louis, les Carloman et les Lothaire.

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Louis (le Bègue), fils de Charles, père de Louis, Carloman et Charles.